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LIVRE PREMIER

chose de tempérant et de grave qu’inspire l’infortune.

Mazarin n’aimait pas les hommes qui sortaient de la Fronde ; il aimait encore moins les protégés de son devancier et s’opposait à l’avancement de Rancé, Rancé lui-même ne se prêtait pas à cet avancement quand il n’y trouvait pas sa convenance. Peu de temps après avoir reçu la prêtrise, il refusa l’évêché de Léon ; il n’en trouvait pas le revenu assez considérable, et la Bretagne était trop loin de la cour. Dom Gervaise raconte que la chasse était un de ses amusements favoris : « On l’a vu plus d’une fois, dit-il, après avoir chassé trois ou quatre heures le matin, venir le même jour en poste de douze ou quinze lieues, soutenir une thèse en Sorbonne ou prêcher à Paris avec autant de tranquillité d’esprit que s’il fût sorti de son cabinet. » Champvallon l’ayant rencontré dans les rues, lui dit : « Où vas-tu l’abbé ? que fais-tu aujourd’hui ? — Ce matin, répondit-il, prêcher comme un ange, et ce soir chasser comme un diable[1]. »

L’abbé de Marolles, dans ses Mémoires, cite

  1. Jugement critique, mais équitable, des Vies de feu M. l’abbé de Rancé. (Gervaise)