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VIE DE RANCÉ

qu’à travers ses larmes. Il mit la réforme partout. La frugalité remplaça le luxe de sa table ; il congédia la plupart de ses domestiques, renonça à la chasse, et s’abstint du dessin, art qu’il aimait. On avait des paysages de sa façon et des cartes de géographie[1].

Quelques amis, revenus de même que Rancé à des pensées chrétiennes, s’associèrent à lui pour commencer ces mortifications dont il devait donner de si grands exemples ; il semblait jouer à la pénitence pour l’apprendre avant de la pratiquer : on assiste avec intérêt à cette conquête de l’homme sur l’homme : « Ou l’Évangile me trompe, répétait-il, ou cette maison est celle d’un réprouvé. »

Rappelé un moment à Paris pour une affaire, il se logea à l’Oratoire. C’était un travail continuel pour lui d’échapper à ces pensées qu’il avait nourries si longtemps : un grand solitaire en fut atteint dans des sépulcres ; saint Jérôme portait, pour noyer ses pensées dans ses sueurs, des fardeaux de sable le long des steppes de la mer Morte. Je les ai parcourues moi-même, ces steppes, sous le poids de mon esprit. Deux tentatrices cherchèrent Rancé. Elles lui dirent qu’elles

  1. Dom Gervaise.