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VIE DE RANCÉ

une tournée diocésaine. Rancé l’accompagna.

Ils trouvèrent dans les cavernes environnantes des chrétiens qui avaient à peine figure humaine. L’évêque soulageait leur misère, les rassemblait, s’essayait au milieu d’eux parmi les buis des rochers. L’abbé de Rancé était touché, lorsqu’il songeait que le bon pasteur avait ainsi cherché les brebis égarées.

Un jour il se promenait seul avec l’évêque, dans un endroit fort solitaire, d’où l’on découvrait les plus hautes Pyrénées : « L’évêque remarqua (j’emprunte le récit de Marsollier) que l’abbé parcourait des yeux les montagnes avec une attention qui le rendait distrait ; il y soupçonna du mystère, ce fut ce qui l’obligea de lui dire qu’il avait la mine de chercher un endroit où il pût bâtir un ermitage. L’abbé rougit ; mais comme il était sincère, il avoua que c’était en effet sa pensée, et qu’il croyait qu’il ne pouvait rien faire de mieux. — Si cela est, repartit l’évêque, vous ne pouvez mieux vous adresser qu’à moi : je connais ces montagnes, j’y ai passé souvent en faisant mes visites ; je sais des endroits si affreux et si éloignés de tout commerce que, quelque difficile que vous puissiez être, vous aurez lieu d’en être content. — L’abbé, qui croyait que