Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/101

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car celle qui me fait tout ce tourment souffrir
n’a cure que je flotte ou me noie,
et, je le sais, avant qu’elle ne m’accorde grâce,
je dois par la force la gagner sur place ;
2400et je le sais, sans aide ou faveur
de toi, ma force ne peut servir de rien.
Donc aide-moi, seigneur, ce matin dans ma bataille,
par ce feu qui jadis te brûla
comme ce feu maintenant me broie ;
et fais que ce matin j’aie la victoire.
Qu’à moi soit le labeur et qu’à toi soit la gloire.
Ton temple souverain je veux plus l’honorer
que tout autre lieu, et toujours je veux m’évertuer
dans tes jeux et dans tes forts travaux ;
2410et dans ton temple je veux pendre ma bannière
et toutes les armes de ma compagnie ;
et à tout jamais jusqu’au jour de ma mort
je veux devant toi entretenir un feu éternel.
Et d’abondant je veux me lier à ce vœu :
ma barbe, mes cheveux longs qui pendent
et n’ont jamais encore connu l’offense
du rasoir ni des ciseaux, je veux te les donner,
et être ton loyal serviteur tant que vivrai.
Maintenant, seigneur, aie pitié de mes âpres chagrins ;
2420donne-moi la victoire, je ne te demande rien de plus. »

La prière d’Arcite le vaillant cessa-
Les anneaux qui pendaient à la porte du temple,
et les portes aussi firent un grand fracas,
dont Arcite fut un peu effrayé.
Les feux brûlèrent sur l’autel avec éclat
et tout le temple en fut illuminé ;
un parfum alors monta de la terre,
et Arcite alors éleva la main
et jeta encore de l’encens dans le feu
2430avec d’autres rites encore ; et enfin
la statue de Mars fit tinter son haubert.
Et avec ce bruit il entendit un murmure
très bas et sourd qui disait ce mot « Victoire » ;
et pour cela il honora et glorifia Mars.