Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/357

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lui rendant grâce de sa révélation.
Car, messire, et yod», madame, croyez-moi bien,
1870nos oraisons sont plus efficaces,
et nous voyons plus des choses secrètes du Christ
que les laïques, quand ce seraient des rois.
Nous vivons dans la pauvreté et dans l’abstinence,
et les laïques dans la richesse et la dépense
du manger et du boire, et dans leurs impures voluptés.
Nous avons en haine tous les plaisirs de ce monde.
Lazare et le Mauvais Riche[1] vécurent différemment,
aussi eurent-ils récompenses différentes.
Quiconque veut prier, il lui faut jeûner et être pur,
1880et engraisser son âme et amaigrir son corps.
Nous vivons comme le veut l’Apôtre ; vêtement et nourriture
nous suffisent, quand même ils ne seraient pas très bons.
C’est la pureté et le jeûne de nous autres frères
qui fait que le Christ accepte nos prières.
  Voyez, Moïse[2] jeûna quarante jours et quarante nuits,
avant que le grand Dieu tout-puissant
lui parlât sur la montagne de Sinaï.
C’est le ventre vide, à jeun depuis maint jour,
qu’il reçut la loi écrite
1890par le doigt du Seigneur, et Élie[3], vous le savez bien,
sur le mont Horeb, avant qu’il eût entretien
avec le Très-Haut, qui est le médecin de nos âmes,
resta longtemps dans le jeûne et la contemplation.
  Aaron[4] qui eut le temple sous ses lois,
et de même chacun des autres prêtres,
quand ils devaient aller dans le temple
prier pour le peuple, et célébrer le service divin,
ils refusaient de boire toute espèce
de boisson qui pût les enivrer ;
1900ils priaient et veillaient dans l’abstinence,
de peur d’être frappés de mort. Prenez bien garde à ce que je dis :
si ceux qui prient pour le peuple ne sont pas sobres, —
faites attention à ce que je dis ; — mais assez, cela suffit !

  1. Saint Luc, XVI, 19-20.
  2. Exode, XXXIV, 28.
  3. Livre des Rois, XIX, 8.
  4. Lévitique, X, 9.