Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/374

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la vertu vient toute de Dieu, et non de la race
qui les a engendrés et conçus ;
j’ai foi en la bonté divine, et c’est pourquoi
120mon mariage, mes dignités et mon repos,
je les confie à Dieu : qu’il en fasse ce qu’il voudra.

Laissez à moi seul le choix d’une femme :
cette charge, je la veux porter sur mon dos.
Mais je vous prie et vous ordonne sur votre vie
de me promettre, quelle que soit la femme que je prenne,
que vous la respecterez, tant que durera sa vie,
en paroles et en actions, ici et partout ailleurs,
comme si elle était la fille d’un empereur.

Et, en outre, je veux que vous me juriez
170de ne jamais maugréer ou lutter contre mon choix ;
car puisque je vais renoncer à ma liberté
sur vos instances, aussi vrai que j’espère être heureux
je n’épouserai que là où se sera fixé mon cœur ;
et si vous ne voulez souscrire à de telles conditions,
je vous en prie, ne parlons plus de cette affaire. »

Volontiers et de tout cœur ils jurèrent et acquiescèrent
à toutes ces choses, et nul n’y contredit ;
mais comme faveur, avant de partir, ils le supplièrent
de bien vouloir leur fixer le jour certain
180de ses épousailles, aussi rapproché que possible,
car, malgré tout, le peuple craignait encore un peu
que ce marquis ne se résolût pas à prendre femme.

Il leur accorda tel jour qu’il lui plut de fixer :
alors il se marierait sûrement,
et tout cela, dit-il, il le faisait à leur requête ;
et eux, d’un cœur humble et soumis,
tombant à genoux, très respectueusement
tous ils le remercient : ainsi arrivés aux fins
qu’ils se proposaient, ils s’en retournent chez eux.

190Et là-dessus il ordonne à ses officiers
de pourvoir à la fête,
et à ses chevaliers ou écuyers privés
il donne telles charges qu’il lui plaît de leur imposer ;