Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et tout le palais a été mis en bel ordre,
salles et chambres, chacune selon son importance :
des offices, bourrées à foison,
s’y peuvent voir, remplies des friandes victuailles
que l'on peut trouver aussi loin que s’étend l’Italie.

Ce royal marquis, richement accoutré,
accompagné de seigneurs et de dames
qu’il avait priés à la cérémonie,
270et escorté des bacheliers de sa suite,
aux sons divers de mélodies variées,
en cet appareil et par le plus droit chemin a pris la route
du village dont je vous ai parlé.

Grisilde, Dieu le sait, fort innocente,
et ne se doutant guère que tout cet apparat fût pour elle,
était allée chercher de l’eau à la fontaine
et revenait à la maison le plus vite qu’elle pouvait.
Car elle avait entendu dire que, ce même jour,
le marquis devait se marier, et, s’il lui était possible,
280elle désirait bien voir un peu de ce spectacle.

Pensait-elle : « Je me tiendrai avec d’autres jeunes filles,
mes compagnes, sur notre porte, et je verrai
la marquise : aussi vais-je essayer
d’achever chez nous aussi vite que possible
le labeur qui me regarde,
et alors j’aurai le loisir de la contempler,
si elle prend ce chemin pour se rendre au château. »

Et comme elle allait passer le seuil,
le marquis survint et se mit à l’appeler,
290et elle déposa son pot d’eau en grand’hâte
auprès du seuil, dans un coin de l’étable,
et à deux genoux elle se laissa choir,
et, grave dans son maintien, resta à genoux,
prête à entendre les ordres de son seigneur.

Pensif, le marquis parla à la jeune fille
d’un ton sérieux, et lui dit ces mots :
« Où est votre père, Grisilde ? » dit-il,
et elle, d’un air respectueux et humble,