Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/403

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et, comme discipline, il souffre
que l’âpre fouet de l’adversité
bien souvent s’abatte sur nous de diverses manières ;
non point pour mieux connaître notre âme, car, certes,
1160même avant notre naissance, il connaissait toute notre fragilité,
et c’est toujours pour notre bien qu’il nous gouverne :
vivons donc en vertueuse patience[1].

Mais un mot encore, messires, avant que j’en finisse :
il serait fort difficile de trouver aujourd’hui
dans une ville entière deux ou trois Grisildes
car, si on les mettait à de telles épreuves[2],
l’or qu’elles contiennent a maintenant si mauvais alliage
de cuivre que, quelque belle que soit cette monnaie à la vue,
elle se briserait en deux plutôt que de plier.

1170Aussi, pour l’amour de la bourgeoise de Bath,
que Dieu garde — et toutes ses adeptes —
en haute maîtrise, autrement serait-ce dommage, —
je vais, d’un cœur joyeux, frais et vert,
vous dire une chanson qui vous réjouira, je pense,
et brisons là tout propos trop sérieux : —
Écoutez ma chanson qui s’exprime de cette manière.


L’envoi de Chaucer.


Grisilde est morte, sa patience avec elle,
et toutes deux ensemble sont enterrées en Italie :
aussi proclamé-je devant cette assistance
1180qu’aucun mari n’ait l’audace d’assaillir
la patience de sa femme, dans l’espoir de trouver
celle de Grisilde, car, pour certain, il échouerait.

O nobles femmes, pleines de haute sagesse,
que jamais l’humilité ne vous cloue la langue,
et que pas un clerc ne prenne occasion ou soin
d’écrire sur vous histoire tant merveilleuse
que celle de Grisilde patiente et bonne :

  1. Ici s’arrête l’adaptation faite du récit de Pétrarque.
  2. Chaucer dit : si on les soumettait à telle pierre de touche.