Les jours de trêve[1], il était d’un grand secours,
car alors il n’était pas tel qu’homme de cloître,
avec une chape râpée, comme un pauvre écolier,
mais il ressemblait à un magistrat, ou à un pape.
De laine doublée était faite sa courte chape,
qui s’arrondissait comme une cloche sortant du moule.
Il zézayait un peu, par pur caprice,
pour rendre son anglais doux sur sa langue ;
et quand il jouait de la harpe, après avoir chanté,
ses yeux luisaient dans sa tête aussi fort
que les étoiles dans la nuit glacée.
Ce digne « limitour » s’appelait Hubert.
Il y avait un Marchand, à la barbe fourchue,
au vêtement bigarré*, haut perché sur son cheval ;
sur la tête un chapeau flamand de castor,
ses bottes joliment et coquettement agrafées.
Il disait son opinion moult gravement,
visant toujours à augmenter son gain.
Il eût voulu que la mer fût gardée, à tout prix,
entre Middelburg et l’Orwell[2].
Il savait bien faire le change des écus.
Ce digne homme tirait à merveille profit de son jugement ;
personne ne savait qu’il était endetté,
si majestueuse était sa contenance
quand il passait marché, ou faisait emprunt d’argent.
En vérité, c’était un honnête homme, au demeurant ;
mais à vrai dire, je ne sais pas comme on l’appelle.
Un Clerc[3] d’Oxford était là aussi,
qui était en logique depuis longtemps.
Son cheval était aussi maigre qu’un râteau,
et lui-même n’était pas bien gras, je l’ose dire ;
mais il avait l’air creux et la mine triste.
Usé jusqu’à la corde était son court manteau ;
car il n’avait encore obtenu aucun bénéfice,
Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/41
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
LE PROLOGUE.