Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me viendrait-elle de tomber tout juste entre les mains,
j’aimerais mieux le voir homme d’aussi grand sens
que toi ! Fi des richesses
si l’on n’a pas en outre la vertu !
J’ai gourmandé mon fils, et le ferai encore,
car il ne veut guère incliner à la vertu ;
690 mais jouer aux dés, et dépenser,
et perdre tout ce qu’il a, voilà ses habitudes.
Et il aimera mieux causer avec un page
que converser avec aucun gentilhomme,
près duquel il pourrait s’initier aux bonnes manières. »
— « Au diable vos bonnes manières ! (dit notre hôte).
Mais parbleu, Franklin, tu sais bien, messire,
que chacun de nous doit dire au moins
un conte ou deux, sous peine de rompre sa promesse. »
— « Je le sais bien, messire (dit le Franklin) ;
700 de grâce, ne me faites point avanie,
si à ce compagnon je dis un mot ou deux. »
— « Raconte donc ton histoire, sans plus de mots. »
— « Avec plaisir, messire hôtelier (dit-il), je vais obéir
à votre volonté ; et maintenant écoutez ce que je dis.
Je ne veux vous contrarier en rien,
je vais du moine faire du mieux de mon esprit ;
je prie Dieu que ce conte vous agrée,
et dans ce cas l’estimerai assez bon. »