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LES CONTES DE CANTERBURY.

mais il ne cessait point, malgré pluie et tonnerre,
de visiter, dans la maladie ou le malheur,
les plus éloignés de ses paroissiens, grandes et petites gens,
allant à pied, et un bâton à la main.
À ses ouailles il donnait ce noble exemple,
qu’il agissait d’abord, et qu’il prêchait ensuite.
À l’Évangile il avait pris cette parole ;
et il y ajoutait aussi cette figure :
500Si l’or se rouille, que fera le fer ?
Car si un prêtre se corrompt, en qui nous croyons,
il n’est pas étonnant qu’un laïque se rouille ;
et c’est grand’honte, si le prêtre veut bien y songer,
qu’un pasteur conchié et une brebis propre.
Un prêtre devrait bien montrer par l’exemple
de sa pureté, comment son troupeau doit vivre.
Il ne donnait pas sa charge en location,
et ne laissait pas ses ouailles embourbées,
pour courir à Londres, à Saint-Paul,
510et quêter une fondation de messe pour les trépassés,
ou pour se retirer dans quelque confrérie ;
mais restait au bercail, et gardait bien son troupeau,
de sorte que le loup ne pût le mettre à mal.
C’était un vrai berger, et non un mercenaire.
Et bien qu’il fût pieux, et vertueux,
il n’était point méprisant envers le pécheur,
ni dans ses discours âpre ni hautain,
mais ses leçons étaient discrètes et bénignes.
Mener les gens au ciel par la droiture,
520par le bon exemple, c’est à cela qu’il travaillait.
Mais si quelqu’un se montrait intraitable,
quel qu’il fût, de haute ou basse naissance,
il le tançait vivement a ce propos.
De meilleur prêtre, je crois qu’il n’en est point, nulle part.
Il ne cherchait ni honneurs ni dignités,
ni ne se faisait une conscience « épicée »[1],
mais la doctrine du Christ et de ses douze apôtres,
il l’enseignait, et d’abord la suivait lui-même.

  1. Le sens précis du texte (spyced conscience) est : conscience analogue à celle d’un magistrat qui se donne des aire d’autant plus scrupuleux et méticuleux qu’il a déjà reçu des épices d’une des parties.