Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/494

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Quand cela fut lu, alors dit ce vieillard,
« Crois-tu cette chose ou non ? dis oui ou non. »
« Je crois tout cela (dit Valérien)
car chose plus vraie qu’icelle, j’ose bien dire,
aucun être sous le ciel ne peut penser. »
Lors s’évanouit le vieillard, il ne sut où,
et le pape Urbain le baptisa sur le-champ.

Valérien s’en va chez lui, et trouve Cécile
dedans sa chambre avec un ange debout ;
220 cet ange avait de roses et de lis
deux couronnes, lesquelles il tenait à la main.
Et d’abord à Cécile, à ce que je comprends,
il donna l’une et puis il offrit
l’autre à Valérien, son mari.

« Le corps pur et sans tache la pensée,
gardez toujours bien ces couronnes (dit-il) ;
du Paradis vous les ai-je apportées,
et jamais elles ne pourriront,
ni perdront leur douce senteur, croyez-moi ;
230 et jamais être ne les verra de ses yeux
qu’il ne soit pur et haïsse vilenie.

Et toi, Valérien, pour ce que bien vite
tu consentis à bon conseil aussi,
dis ton désir et il te sera accordé. »
« J’ai un frère (lors dit Valérien)
que j’aime plus que personne au monde.
Je vous prie que mon frère ait grâce
de connaître la vérité, comme je fais en ce lieu. »

L’ange dit : « Dieu aime ta requête,
240 et tous deux, avec la palme du martyre,
vous viendrez à sa fête bienheureuse. »
Et sur ce mot son frère Tiburce s’en vient,
et lorsqu’il flaira la senteur
que les roses et les lis répandaient,
en son cœur il se prit à s’émerveiller fort.