Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/97

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je veux faire sacrifice et des feux allumer.
Et si tous ne foulez pas ainsi, ma douce dame,
alors je te prie que demain avec une lance
Arcite me perce à travers le cœur.
Alors je n’aurai cure, quand j’aurai perdu la vie,
qu’Arcite la gagne et l’épouse.
Voilà l’objet et la fin de ma prière ;
2260donne-moi ma maîtresse, bienheureuse dame chérie. »

Quand fut faite l’oraison de Palamon,
il fit son sacrifice et cela aussitôt,
bien tristement avec toutes les circonstances,
quoique je ne dise rien ici de ses observances.
Mais enfin la statue de Vénus remua
et fit un signe, par où il comprit
que sa prière était acceptée ce jour-là.
Car bien que le signe eût tardé à paraître,
pourtant il sentit bien que sa requête était accordée ;
2270et le cœur joyeux il retourna à son logis bien vite.

À la troisième heure inégale[1] après que Palamon
était parti pour le temple de Vénus,
se leva le soleil et se leva Émilie ;
et pour le temple de Diane elle se mit en route.
Ses servantes qu’elle emmenait avec elle
apportaient tout préparés le feu,
l’encens, les linges et toutes les autres choses
qui doivent faire partie du sacrifice ;
les cornes pleines d’hydromel comme était la coutume ;
2280il ne manquait rien pour faire son sacrifice.
Le temple fumant et plein de belles étoffes,
Émilie, le cœur débonnaire,
lava son corps avec l’eau d’une source ;
mais comme elle fit son rite, je n’ose dire,
si ce n’est d’une manière générale ;

  1. Dans le système astrologique, le jour, du lever au coucher du soleil, et la nuit, du coucher à son lever, étant divisés chacun en douze heures, il est clair que les heures du jour et de la nuit n’étaient égales qu’aux équinoxes. Les heures attribuées aux planètes avaient le même caractère d’inégalité. (Note de Tyrwhitt.)