Page:Chaudon, Delandine, Goigoux - Dictionnaire historique, tome 2.djvu/180

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phes, qui lui dit : « Allez à Athèncs étudier la philosophie : vous aurez plus besoin d’être retenu que poussé. » Il se rendit en cette ville, entra dans l’école de Platon, et en fut l’âme et la gloire. (Voyez THÉOPHRASTE et XÉNOCRATE.) Continuellement livré au travail, il mangeait peu, et dormait encore moins. Diogène Laërce rapporte que, pour ne pas succomber à l'accablement du sommeil, il étendait hors du lit une main dans laquelle il tenait une boule d'airain, afin que le bruit qu'elle ferait en tombant dans un bassin le réveillât. Aristote eut bientôt surpassé tous ceux qui étudiaient avec lui. On ne l'appelait que l'Esprit ou l’Intelligence. Platon, secrètement jaloux de ses progrès, se fit souvent un plaisir de le mortifier. Il lui reprochait publiquement l’affectation de ses discours et la magnificence de ses habits ; et en mourant, il laissa le gouvernement de son accadémie à Speusippe, son neveu. Cette préférence choqua Aristote ; il prit le parti de voyager. Il parcourut les principales villes de la Grèce, se familiarisant avec tous ceux dont il pouvait tirer quelque instruction. Enfin il se retira à Atarné, petite ville de Mysie, auprès de son ami Hermias, usurpateur de ce pays. Ce prince ayant été mis à mort par ordre du roi de Perse, Aristote composa en son honneur un hymne, qui est un des plus beaux morceaux de poésie que nous connaissions, et épousa sa, sœur, qui était restée sans biens. Philippe lui confia l'éducation de son fils Alexandre. La lettre qu'il lui écrivit à l'occasion de sa naissance honore également le prince et le philosophe. « Je vous apprends (lui disait-il) que j'ai un fils. Je

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remercie les dieux, non pas tant de me l'avoir donné, que de me l'avoir donné du temps d'Aristote. J'espère que vous en ferez un successeur digne de moi, et un roi digne de la Macédoine. » Les espérances de Philippe ne furent pas trompées. Le maître apprit à son disciple toutes les sciences dans lesquelles il excellait, et cette sorte de philosophie qu'il ne communiquait à personne, comme dit Plutarque. Alexandre disoit être redevable à Philippe de vivre, et à Aristote de bien vivre. En reconnaissance, Philippe érigea des statues au philosophe, et fit rebâtir sa patrie ruinée par les guerres. Son élève se disposant à la conquête de l'Asie, Aristote, qui préférait le repos du cabinet au tumulte des armes, revint à Athènes. Les Athéniens, auxquels Philippe avoit accordé beaucoup de grâces à sa considération, lui donnèrent le Lycée pour y tenir son école. Il enseignoit en se promenant, ce qui fit appeler sa secte, la secte des Péripatéticiens. Le succès de la philosophie d'Aristote ne fut pas ignoré d'Alexandre. Ce prince lui écrivit de s'appliquer à l'histoire des animaux, lui envoya huit cents talens pour la dépense que cette étude exigeait, et lui donna un grand nombre de chasseurs et de pêcheurs pour faire des recherches. Aristote, au comble de la gloire, fut attaqué par l'envie. Sa passion pour sa femme Pythias le porta, dit-on, à l'ériger en divinité, et à lui rendre après sa mort le même culte que les Athéniens rendaient à Cérès. Eurymédon, prêtre de cette déesse, l'accusa de ne pas y croire. Aristote, se souvenant de la mort de Socrate, se retira à Chalcis, pour empêcher qu'on ne

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