Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/43

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Qui passe et s’éclaircit, fugitive lueur.
Il s’assied, un rayon a chassé le nuage
Et la sérénité brille sur son visage,
Son repas est servi ; mais son doigt dédaigneux
Laisse une chère exquise et des mets savoureux,
Comme s’il évitait d’un poison le mélange.
« Après tant de fatigue et ce long jeûne, étrange
Semble à mes yeux, d’honneur, tant de frugalité.
Derviche, qu’as-tu donc ? En ta sobriété
Crois-tu manger avec une caste chrétienne ?
Mes amis sont les tiens, ma famille est la tienne,
Et mes amis, crois-tu qu’ils soient tes ennemis,
Le sel gage sacré, d’où vient que tu le fuis ?
Son partage émoussa toujours le fil du glaive :
Entre tribus par lui nul combat ne s’élève.
Il cimente la paix entre des ennemis,
Mangeant le sel ensemble, en vrais frères unis. » —
« Oui, le sel assaisonne une friande chère,
Mais la mienne, plus simple, est la racine amère,
Et mon humble boisson se puise au pur cristal.
Car les lois de mon ordre et de mon vœu fatal,
M’empêchent de former société commune,
D’amis ou d’ennemis d’embrasser la fortune,
De rompre ou de mêler le pain et l’échanger.
C’est étrange pour vous. S’il est quelque danger,
Que sur moi seul retombe un présage funeste.
Pour ton pouvoir, bien plus, pour le trône céleste