Page:Chennevière - Poèmes, 1920.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHANT FUNÈBRE

Père, père, c’est moi. Où en est ton cadavre ?
Est-ce la chair encore, ou la cendre totale,
Dans ce départ de toi qui ne cessera pas ?
Si c’est la cendre, où est la forme que j’évoque ?
Si c’est la chair, est-elle sèche sur tes os ?
Par delà le néant, garde-t-elle tes traits ?
Et quand je dis : « mon Père », à qui vont ces deux mots ?
Plus rien n’est toi, car tu es en dehors de tout,
Car ce « tu » d’autrefois, lorsque je te parlais,
N’est qu’une paille creuse, où souffle sans espoir
Ma douleur absolue et refusant la paix.
O père mort, il sied qu’aujourd’hui je t’appelle :
Me voici près de ce qui reste de ton corps,
Et bien que ma parole, hélas ! soit aussi vaine
Que les fleurs, les fusains, l’épitaphe et la croix,
J’ai besoin de me souvenir à haute voix.