Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/131

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« Trouvez-vous que j’aille trop vite ? Dans mon enfance, on me reprochait de bredouiller. Avez-vous de la peine à me suivre ? Voulez-vous que je recommence ? Vous allez me demander mes preuves ; attendez, je les fournis plus loin. Si vous avez quelque observation à me faire, ne vous gênez pas, je vous en serai fort obligé. »

Mais on n’avait garde de lui adresser aucune observation, et personne ne le conjura de recommencer.

Nous avons dit qu’il avait la précieuse faculté de combiner ses sensations, ce qui lui permettait de se procurer plusieurs plaisirs à la fois, et tous ces plaisirs divers n’en faisaient qu’un. Par la croisée entre-bâillée pénétrait dans le salon une exquise senteur de troène fleuri. Il respirait avec volupté ce parfum, et, bien qu’il fût très appliqué à sa lecture, il contemplait par instants les étoiles, et il pensait à deux beaux yeux bruns, mêlés de fauve, plus doux à regarder que tous les astres du ciel. Ces yeux si doux, il ne les voyait pas ; Mme Corneuil s’était assise à l’écart sur un divan moelleux, et l’importune clarté de la lampe n’arrivait pas jusqu’à elle. A demi couchée et muette, elle était tout oreilles ; l’ombre est favorable au recueillement. Je ne voudrais point jurer cependant