Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/137

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« Dieu, quel sommeil ! s’écria Mme Véretz. Ne seriez-vous pas un peu magnétiseur ? »

Elle faisait un mouvement pour réveiller sa fille ; il l’en empêcha en lui disant avec un ricanement amer :

« Oh ! je vous prie, respectez son repos. »

On aurait tort d’imaginer qu’il ne souffrait que dans son amour-propre d’auteur et de lecteur. Un jour s’était fait en lui ; il venait de comprendre subitement que depuis plusieurs mois il s’était trompé ou laissé tromper. Immobile et tout d’une pièce, il contemplait d’un œil dur, fixe, perçant, le visage de la belle endormie, dont la pose était coquette, car elle savait dormir. Rien n’était plus charmant que le désordre de ses beaux cheveux, dont une boucle pendait le long de sa joue. Ses lèvres ébauchaient un demi-sourire ; il est probable qu’elle faisait un rêve heureux ; elle s’était réfugiée dans un monde où il n’y a point d’Apépi.

Horace la regardait toujours, et je ne sais quelles écailles tombaient une à une de ses yeux. Si charmante qu’elle fût, de minute en minute il voyait s’évanouir ses grâces, et il fut sur le point de la trouver laide. En vérité, il ne la reconnaissait plus. Le miracle qui s’était fait à Saqqarah, au sortir du tombeau de Ti, venait de se défaire ; il n’y avait plus rien entre cette femme qui dormait et l’Égypte. En quittant