Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/198

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connaissance fût toute neuve, qu’il ne m’eût pas encore aperçue jusqu’à ce jour ; il venait de me découvrir, là, tout à coup, sans y penser, à l’un des tournants du chemin, et sa découverte l’enchantait, le mettait hors de lui, et il me répétait de nouveau que j’étais adorable. Il avait, ce soir-là, une petite voix flûtée, et de temps à autre il lui venait dans les yeux des larmes grosses comme des noisettes, qui roulaient lentement le long de ses joues. En vérité je croyais rêver et je me demandais à qui il en avait.

« J’eus la fâcheuse idée de lui parler de ses chers amis, de ses amis d’enfance, et je voulus savoir ce qu’il avait inventé pour leur faire fête. Voilà un homme qui change aussitôt du tout au tout. Son visage s’assombrit, son regard devient froid comme glace ; il lâche mes deux mains, se remet sur ses pieds et va s’adosser à la cheminée. Puis il me dit, en examinant ses ongles, que ses amis n’étaient pas ceci, n’étaient pas cela, que ses amis n’étaient pas des gens à qui l’on fit fête, que c’étaient des hommes d’affaires, qu’ils venaient d’en inventer une qui promettait de rapporter beaucoup, de la gloire à revendre et des monceaux d’or, mais qu’elle était fort chanceuse, qu’ils l’avaient pressé d’y entrer, de la prendre à son