Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/231

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pour lui, l’air soumis dont elle l’écoutait, l’empressement avec lequel elle approuvait ses sentences comme les paroles d’un oracle. Il ressentit un accès d’indignation, en pensant que ce butor avait su gagner le cœur de cette ravissante créature, à qui il disait en lui-même avec colère :

« Ne vengeras-tu donc pas les Messins ? »

En descendant de l’omnibus, M. Drommel s’embarrassa les jambes dans son parapluie, il trébucha sur le marchepied et faillit se laisser choir tout de son long sur le pavé, ce qui fit passer dans l’âme et dans les yeux de M. Taconet un éclair d’espérance. Mais Mme Drommel était là, car elle était toujours là, toujours attentive et toujours souriante. Elle retint par le coude son mari, qui ne tomba point. Sa tendresse vigilante s’alarmait facilement.

« Tu m’as fait peur ! lui dit-elle.

— Ce n’est rien, ma chatte, répondit-il ; M. Drommel n’est jamais tombé. »

Cela dit, il lui mit sur les bras deux gros sacs de nuit, bien bondés et fort lourds, se bornant, quant à lui, à porter sa poche de voyage, son parapluie et sa personne.

« Tout supporter et tout porter, pensa M. Taconet, voilà le sort de cette chatte. »