Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/239

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ou dans le vague des airs je ne sais quoi, une vision, quelque scène de son passé, un visage dont elle avait gardé un obligeant souvenir. Puis, se retournant, elle ne voyait plus qu’un gros homme court, dont l’énorme tête et la puissante nuque se détachaient insolemment sur le ciel bleu ; ce gros homme court était le présent et l’avenir ; il possédait à la vérité la synthèse, mais il ne songeait pas à demander à sa chatte si elle était lasse ; nonobstant elle souriait. Elle se disait parfois : « Si pourtant… s’il arrivait par miracle… » Le miracle ne se faisait pas, et elle souriait encore, elle souriait toujours.

Cette vaillante petite femme prenait tout en bonne part, ne regardait que l’aimable côté des choses, brave dans les épreuves, croyant fermement aux occasions, convaincue par son expérience qu’il y a dans ce monde plus d’épines que de roses, mais faisant bon visage aux épines et cueillant la rose sans se piquer les doigts. Ce sourire de belle humeur, qu’une mère accorte et facile lui avait appris dès son bas âge, à la petite pointe du jour, ne l’avait jamais quittée. Il avait résisté à toutes les inclémences du sort, il avait traversé avec elle les misères d’une ingrate jeunesse, il l’avait suivie dans tous les défilés, dans tous les