Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/252

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La fortune, qui s’intéresse aux jolies femmes, eut pitié d’elle et lui porta secours. Une calèche vint à passer ; un noble étranger mit sa tête à la portière, et, agitant une main toute chargée de bagues, il s’écria avec un accent très prononcé :

« Je viens de Fontainebleau, je retourne à Barbison ; j’ai deux places à offrir, et je serais charmé si on les accepterait. »

A ces mots, il s’élança à terre, fit monter M. et Mme Drommel, et coupa court à leurs remerciements, en disant :

« Quand je vois une femme qu’elle est lasse, mon cœur il s’émeut. »

Si le noble étranger ne parlait pas très purement le français, il avait en revanche grand air, de grandes manières, une belle tête, un visage au teint mat, encadré de noirs sourcils et d’une barbe artistement peignée et taillée. Ada, qui avait le goût délicat, trouvait à redire à l’abondance excessive de ses bagues et à la profusion des odeurs qu’exhalaient son mouchoir, ses vêtements, ses cheveux. Mais, mollement étendue dans la calèche, elle se sentait revenir de mort à vie, et elle avait trop d’obligations à cet homme providentiel pour ne pas tout lui pardonner. Quant à M. Drommel, il était disposé à voir dans la politesse qu’un Italien