Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/280

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qu’un jour ses peintures se vendraient un prix fou, l’estime qu’il faisait de lui s’accrut considérablement. La pensée lui vint d’obtenir de ce bon jeune homme, à titre de souvenir et sans bourse délier, bien entendu, une aquarelle, une pochade, quelque croquis, et de le rapporter à Goerlitz comme un échantillon de l’école du plein air, à laquelle il se promettait de consacrer quelque jour l’une de ses plus savantes élucubrations. M. Drommel a toujours eu le génie du troc, il donne l’œuf pour avoir le bœuf, un abonnement à la Lumière contre un tableau ou un livre de prix. Souvent même il ne donne rien du tout. Il ne rencontre guère de peintres, d’artistes, de collectionneurs d’objets rares sans leur soutirer quelque chose ; ils sont tous tenus de lui payer leur tribut, qu’il empoche gaillardement, comme une preuve sensible et palpable du vif intérêt qu’il leur porte. Les indiscrets sont les heureux de ce monde.

Après y avoir mûrement réfléchi, M. Drommel trouva bon de charger sa femme de cette petite négociation. Il alla sur-le-champ la rejoindre dans un kiosque à claire-voie, qui terminait l’une des allées du jardin de l’auberge. Elle s’y était acheminée en boitant très bas, et y prenait le frais, enveloppée dans son mantelet, la jambe allongée