Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/318

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mes épreuves. » Le jardin disparut ; il aperçut distinctement un carrefour de forêt, et il se souvint que tantôt il y avait dans cette forêt deux hommes qui se promenaient au clair de la lune et qui s’entretenaient des effets que peut produire le vague dans l’âme. L’un était un sociologue, qui avait trouvé la synthèse ; l’autre était un prince sicilien, et le prince traitait le sociologue de pair à compagnon, ce qui le flattait infiniment. En cet instant, une grosse mouche, qui prenait la lune pour le soleil et qui avait oublié d’aller se coucher, se heurta contre son front. Il voulut la chasser et ne put pas. Ce fut pour lui une occasion de découvrir qu’il avait les deux mains liées par les deux bouts d’une écharpe et qu’il était le prisonnier d’un chêne. Il regarda le chêne, le chêne le regarda. Il fut sur le point d’appeler son cher prince, pour qu’il vînt le délivrer ; mais, ses idées s’étant débrouillées, il s’avisa que c’était son noble ami qui l’avait attaché à l’arbre, avant de lui voler sa bourse et de se sauver. Il crut le voir courir, il crut entendre le bruit sourd que faisait une sacoche bien garnie en détalant à toutes jambes au travers des fourrés et des fondrières, et il fit la réflexion judicieuse qu’à chaque minute qui s’écoulait cette sacoche gagnait de l’avance,