Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/36

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— Hélas ! oui, il fallait s’y attendre, interrompait le marquis. On ne saurait trop se défier des sagesses précoces ; elles finissent souvent par des catastrophes. Je t’ai dit cent fois, ma chère Mathilde, que ton fils m’inquiétait, qu’il nous ménageait quelque fâcheuse surprise. Nous naissons tous avec un certain fonds de folie à dépenser ; heureux qui le dépense en détail dans sa jeunesse ! Horace a tout gardé jusqu’à vingt-huit ans, capital et intérêts, et voilà, le beau fruit de ses économies. Les petites folies multipliées sauvent des grandes ; quand on n’en fait qu’une, elle est presque toujours énorme et le plus souvent irréparable. J’ai su me servir de ma jeunesse, moi qui te parle ; j’aurais cru manquer à mes devoirs les plus sacrés si je l’avais laissée en friche. A vingt-deux ans, les femmes n’avaient plus grand’chose à m’apprendre ; je savais par cœur ce bel animal.

— Ah ! mon oncle, permettez ! s’écria la comtesse un peu scandalisée.

— Mille excuses. Je voulais seulement te faire entendre que, grâce à des expériences répétées, j’avais terminé mon apprentissage avant l’âge où l’on se marie, et que, si j’avais rencontré une Mme Corneuil, je me serais donné beaucoup de peine pour lui plaire ; mais du diable si j’aurais songé à l’épouser ! »