Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/57

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— Je vous affirme, mon oncle, que vous êtes le plus obstiné et le plus incurable des sceptiques.

— Horace, j’atteste le sphinx que voici et le museau de la déesse Sekhet que la poésie est la maladie des gens qui n’ont pas vécu.

— Et moi, mon oncle, je prends à témoin la lune que voilà et cette rose pourpre, qui vous regarde en se moquant de vous, que le scepticisme est le châtiment de ceux qui ont peut-être abusé de la vie.

— Et moi, je te jure par ce qu’il y a de plus sacré, par le grand Sésostris lui-même…

— Oh ! mon oncle, comme vous tombez mal ! Je sais bien qu’on ne peut pas vous en vouloir, vous n’avez guère étudié l’histoire d’Égypte, ce n’est pas votre affaire ; mais apprenez que, s’il y a jamais eu dans ce monde une réputation surfaite et même usurpée, ce fut celle de l’homme que vous appelez le grand Sésostris et qui au demeurant s’appelait Ramsès II. Jurez, si vous le voulez, par le roi Chéops, vainqueur des Bédouins ; jurez par Menès, qui bâtit Memphis ; jurez par Aménophis III, dit Memnon, ou, si vous l’aimez mieux, par Snéfrou, avant-dernier roi de la troisième dynastie, qui soumit les tribus nomades de l’Arabie Pétrée ; mais apprenez que votre grand Sésostris était en somme