Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

était plus dangereux que tous les missionnaires qui ont pu aborder dans les îles de l’océan Pacifique.

Quand sa mère, qui était toujours la première à entrer dans sa chambre pour lui prodiguer des soins qu’elle seule savait lui rendre agréables, s’approcha de son lit sur la pointe des pieds et lui souhaita le bonjour, Mme Corneuil, mal disposée, lui fit un accueil un peu sec, et Mme Véretz put s’apercevoir que son ange adoré s’était réveillé d’assez mauvaise humeur. A la vérité, cette tendre mère était accoutumée aux incartades ; on la traitait de haut, comme une impératrice traite sa dame du palais. Elle y était faite et ne s’en affectait guère. Sa fille était sa reine, sa divinité, son tout ; elle s’était consacrée tout entière à son bonheur, à sa gloire ; elle lui rendait un culte, de véritables adorations. Elle appartenait à la race des mères servantes et martyres ; mais sa servitude lui plaisait, son martyre lui paraissait délicieux, et cette petite femme maigre, au regard vif, aux allures serpentines, qui avait, comme Caton le Censeur, auquel du reste elle ne ressemblait guère, l’œil vert et les cheveux rouges, faisait toujours bon visage aux duretés qu’elle essuyait. Elle avait de quoi se consoler ; on avait beau la rudoyer, la