Page:Chesterton - La Clairvoyance du père Brown.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’un avait joué du tambour. La même impression de conte de fées, triste et néfaste, traversa l’esprit du prêtre comme un léger nuage gris.

— Je voudrais bien voir rentrer Flambeau, murmura-t-il.

— Croyez-vous à la fatalité ? demanda brusquement le prince Saradine.

— Non, répondit son hôte, je crois au Jugement dernier.

Le prince se détourna de la fenêtre et le regarda d’une manière bizarre. Son visage restait dans l’ombre, devant le soleil couchant.

— Que voulez-vous dire ? reprit-il.

— Je veux dire que ce que nous voyons ici est l’envers d’une tapisserie, repartit le Père Brown. Les choses qui se passent ici semblent n’avoir aucun sens ; elles en ont un ailleurs. Ailleurs le châtiment frappera le vrai coupable. Il semble souvent tomber ici sur un autre.

Le prince émit un son inarticulé, comme un animal ; ses yeux brillaient étrangement dans son visage assombri. Une nouvelle et subtile hypothèse éclata silencieusement dans le cerveau du prêtre. Ce singulier mélange de faconde et de brusquerie que possédait Saradine, cacherait-il autre chose ? Le prince était-il parfaitement sain d’esprit ? Il répétait : « Sur un autre, sur un autre », beaucoup plus souvent que le tour naturel de la conversation ne le permettait.

Le Père Brown perçut enfin la cause de ce trouble. Il vit, dans la glace en face de lui, s’ouvrir la porte. Le silencieux M. Paul se tenait sur le seuil.