Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/35

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pas introduites dans cette chambre infernale, elles ne me croiront pas.

Syme fumait, songeur, regardant Gregory avec intérêt.

— Écoutez, continua Gregory, ceci vous amusera peut-être. Quand je devins l’un des Nouveaux Anarchistes, j’essayai toutes sortes de déguisements respectables. Je m’habillai d’abord en évêque. Je lus tous nos pamphlets anarchistes sur le clergé, depuis le Vampire de la Superstition jusqu’aux Prêtres de proie. Les évêques, je ne tardai pas à m’en convaincre, sont d’étranges et terribles vieillards, qui cachent à l’humanité quelque cruel secret. La première fois que je pénétrai avec mes guêtres d’évêque dans un salon, je criai d’une voix tonitruante : « Et toi, raison présomptueuse, humilie-toi ! » Mais les gens devinèrent, je ne sais comment, que je n’étais pas du tout un évêque. La mèche était éventée du coup. Alors, je me déguisais en millionnaire. Mais je défendis le capital avec tant d’intelligence qu’un sot aurait compris que je n’avais pas le sou. J’essayai de jouer au commandant. Tout humanitaire que je sois pour mon compte, j’ai assez de largeur d’esprit pour comprendre Nietzsche et les autres qui admirent la violence, la folle et dure concurrence vitale, etc. J’entrai donc dans mon rôle de commandant. Sans cesse je tirais mon épée et je la brandissais. Je criais : « Du sang ! » comme on demande du vin. J’allais répétant : « Que les faibles périssent ! C’est