Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/60

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son père préconisait une licence ultra-païenne, et, tandis que l’une imposait chez elle le végétarisme, l’autre n’était pas loin de prendre la défense du cannibalisme.

Entouré qu’il était depuis son enfance par toutes les formes possibles de la révolte, il était fatal que Gabriel se révoltât aussi contre quelque chose ou en faveur de quelque chose. C’est ce qu’il fit en faveur du bon sens, ou du sens commun. Mais il avait dans ses veines trop de sang fanatique pour que sa conception du sens commun fût tout à fait sensée.

Un accident exaspéra sa haine du moderne anarchisme.

Il traversait je ne sais quelle rue de Londres au moment où une bombe y éclata. Il fut d’abord aveuglé, assourdi, puis, la fumée se dissipant, il vit des fenêtres brisées et des figures ensanglantées. Depuis lors, il continua de vivre, en apparence, comme par le passé, calme, poli, de manières douces ; mais il y avait, dans son esprit, un endroit qui n’était plus parfaitement normal et sain. Il ne considérait pas, ainsi que la plupart d’entre nous, les anarchistes comme une poignée de détraqués combinant l’ignorance et l’intellectualisme. Il voyait dans leurs doctrines un immense danger social, quelque chose de comparable à une invasion chinoise.

Il déversait sans répit dans les journaux, et aussi dans les paniers des salles de rédaction, un torrent