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Lettre XLIV.

Le vicomte de Valmont à la marquise de Merteuil.

Partagez ma joie, ma belle amie ; je suis aimé ; j’ai triomphé de ce cœur rebelle. C’est en vain qu’il dissimule encore ; mon heureuse adresse a surpris son secret. Grâce à mes soins actifs, je sais tout ce qui m’intéresse : depuis la nuit, l’heureuse nuit d’hier, je me retrouve dans mon élément ; j’ai repris toute mon existence ; j’ai dévoilé un double mystère d’amour et d’iniquité : je jouirai de l’un, je me vengerai de l’autre ; je volerai de plaisirs en plaisirs. La seule idée que je m’en fais, me transporte au point que j’ai quelque peine à rappeler ma prudence ; que j’en aurai peut-être à mettre de l’ordre dans le récit que j’ai à vous faire. Essayons cependant.

Hier même, après vous avoir écrit ma lettre, j’en reçus une de la céleste dévote. Je vous l’envoie ; vous y verrez qu’elle me donne, le moins maladroitement qu’elle peut la permission de lui écrire : mais elle y presse mon départ, & je sentais bien que je ne pouvais le différer trop longtemps sans me nuire.

Tourmenté cependant du désir de savoir qui pouvait avoir écrit contre moi, j’étais encore incertain du parti que je prendrais. Je tentai de gagner la femme de chambre, & je voulus obtenir d’elle de me livrer les poches de sa Maîtresse, dont elle pouvait