Aller au contenu

Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lettre LVIII.

Le vicomte de Valmont à la présidente de Tourvel.

Par où ai-je donc mérité, madame, & les reproches que vous me faites, & la colère que vous me témoignez ? L’attachement le plus vif & pourtant le plus respectueux, la soumission la plus entière à vos moindres volontés ; voilà, en deux mots, l’histoire de mes sentiments & de ma conduite. Accablé par les peines d’un amour malheureux, je n’avais d’autre consolation que celle de vous voir ; vous m’avez ordonné de m’en priver ; j’obéis sans me permettre un murmure. Pour prix de ce sacrifice, vous m’avez permis de vous écrire, & aujourd’hui vous voulez m’ôter cet unique plaisir. Me le laisserai-je ravir, sans essayer de le défendre ? Non, sans doute : eh ! comment ne serait-il pas cher à mon cœur ? c’est le seul qui me reste, & je le tiens de vous.

Mes lettres, dites-vous, sont trop fréquentes ! Songez donc, je vous prie, que depuis dix jours que dure mon exil, je n’ai passé aucun moment sans m’occuper de vous, & que cependant vous n’avez reçu que deux lettres de moi. Je ne vous y parle que de mon amour ! Eh ! que puis-je dire, que ce que je pense ? tout ce que j’ai pu faire a été d’en affaiblir l’expression ; & vous