Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/214

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connaissez pas, est infiniment aimable, & encore plus adroit. Que si quelquefois vous m’avez entendu dire le contraire, c’est seulement que je ne l’aime pas, que je me plais à contrarier ses succès, & que je n’ignore pas de quel poids est mon suffrage auprès d’une trentaine de nos femmes les plus à la mode.

En effet, je l’ai empêché longtemps, par ce moyen, de paraître sur ce que nous appelons le grand théâtre ; & il faisait des prodiges, sans en avoir plus de réputation. Mais l’éclat de sa triple aventure, en fixant les yeux sur lui, lui a donné cette confiance qui lui manquait jusque là, & l’a rendu vraiment redoutable. C’est enfin aujourd’hui le seul homme, peut-être, que je craindrais de rencontrer sur mon chemin ; & votre intérêt à part, vous me rendrez un vrai service de lui donner quelque ridicule, chemin faisant. Je le laisse en bonnes mains ; & j’ai l’espoir qu’à mon retour ce sera un homme noyé.

Je vous promets, en revanche, de mener à bien l’aventure de votre pupille, & de m’occuper d’elle autant que de ma belle prude.

Celle-ci vient de m’envoyer un projet de capitulation. Toute sa lettre annonce le désir d’être trompée. Il est impossible d’en offrir un moyen plus commode & aussi plus usé. Elle veut que je sois son ami. Mais moi, qui aime les méthodes nouvelles & difficiles, je ne prétends pas l’en tenir quitte à si bon marché ; & assurément je n’aurai pas pris tant de peine auprès d’elle, pour terminer par une séduction ordinaire.

Mon projet, au contraire, est qu’elle sente, qu’elle