Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/253

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Il obtint de toutes trois qu’elles viendraient le soir même souper en tête-à-tête à sa petite maison. Deux d’entre elles firent bien quelques difficultés ; mais que reste-t-il à refuser le lendemain ? Il donna le rendez-vous à une heure de distance, temps nécessaire à ses projets. Après ces préparatifs, il se retira, fit avertir les trois autres conjurés, & tous quatre allèrent gaiement attendre leurs victimes.

On entend arriver la première. Prévan se présente seul, la reçoit avec l’air de l’empressement, la conduit jusques dans le sanctuaire dont elle se croyait la divinité ; puis, disparaissant sur un léger prétexte, il se fait remplacer aussitôt par l’amant outragé.

Vous jugez que la confusion d’une femme qui n’a point encore l’usage des aventures rendait, en ce moment, le triomphe bien facile : tout reproche qui ne fut pas fait, fut compté pour une grâce ; & l’esclave fugitive, livrée de nouveau à son ancien maître, fut trop heureuse de pouvoir espérer son pardon, en reprenant sa première chaîne. Le traité de paix se ratifia dans un lieu plus solitaire ; & la scène, restée vide, fut alternativement remplie par les autres acteurs, à peu près de la même manière, & surtout avec le même dénouement.

Chacune des femmes pourtant se croyait encore seule en jeu. Leur étonnement & leur embarras augmentèrent, quand, au moment du souper, les trois couples se réunirent ; mais la confusion fut au comble, quand Prévan, qui reparut au milieu d’elles, eut la