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Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/301

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faire sentir par ma façon de le recevoir, il valait mieux l’avertir par une politesse, que nous n’étions pas encore aussi intimement liés qu’il paraissait le croire. Pour cela je lui envoyai, le jour même, une invitation bien sèche & bien cérémonieuse, pour un souper que je donnais avant-hier. Certainement je ne lui adressai pas la parole quatre fois dans toute la soirée ; & lui, de son côté, se retira aussitôt sa partie finie. Vous conviendrez que jusque-là rien n’a moins l’air de conduire à une aventure : on fit, après les parties, une macédoine qui nous mena jusqu’à près de deux heures, & enfin je me mis au lit.

Il y avait au moins une mortelle demi-heure que mes femmes étaient retirées, quand j’entendis du bruit dans mon appartement. J’ouvris mon rideau avec beaucoup de frayeur, & vis un homme entrer par la porte qui conduit à mon boudoir. Je jetai un cri perçant, & je reconnus, à la clarté de ma veilleuse, ce M. Prévan, qui, avec une effronterie inconcevable, me dit de ne pas m’alarmer ; qu’il allait m’éclaircir le mystère de sa conduite, & qu’il me suppliait de ne faire aucun bruit. En parlant, ainsi, il allumait une bougie ; j’étais saisie au point que je ne pouvais parler. Son air aisé & tranquille me pétrifiait, je crois, encore davantage. Mais il n’eut pas dit deux mots, que je vis quel était ce prétendu mystère ; & ma seule réponse fut, comme vous pouvez croire, de me pendre à ma sonnette.

Par un bonheur incroyable, tous les gens de l’office avaient veillé chez une de mes femmes, &