était en visite ; elle s’en alla bientôt après. Aussitôt qu’elle fut sortie, je dis que je voulais reprendre ma leçon de harpe, & je le priai de l’aller chercher. Je vis bien, à son air, qu’il ne se doutait de rien. Mais au retour, oh ! comme il était content ! En posant ma harpe vis-à-vis de moi, il se plaça de façon que Maman ne pouvait voir, & il prit ma main qu’il serra… mais d’une façon ! … ce ne fut qu’un moment : mais je ne saurais te dire le plaisir que cela m’a fait. Je la retirai pourtant ; ainsi je n’ai rien à me reprocher.
À présent, ma bonne amie, tu vois bien que je ne peux pas me dispenser de lui écrire, puisque je le lui ai promis ; & puis, je n’irai pas lui refaire encore du chagrin ; car j’en souffre plus que lui. Si c’était pour quelque chose de mal, sûrement je ne le ferais pas. Mais quel mal peut-il y avoir à écrire, surtout quand c’est pour empêcher quelqu’un d’être malheureux ? Ce qui m’embarrasse, c’est que je ne saurai pas bien faire ma lettre ; mais il sentira bien que ce n’est pas ma faute ; & puis je suis sûre que rien que de ce qu’elle sera de moi, elle lui fera toujours plaisir.
Adieu, ma chère amie. Si tu trouves que j’aie tort, dis-le moi ; mais je ne crois pas. À mesure que le moment de lui écrire approche, mon cœur bat que ça ne se conçoit pas. Il le faut pourtant bien, puisque je l’ai promis. Adieu.