Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/236

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veille de votre départ. Nierez-vous ces faits, ou tenterez-vous de vous en excuser ? L’un & l’autre sont également impossible ; & pourtant je me contiens encore ! Reconnaissez-là votre empire ; mais croyez-moi, contente de l’avoir éprouvé, n’en abusez pas plus longtemps. Nous nous connaissons tous deux, Marquise ; ce mot doit vous suffire.

Vous sortez demain toute la journée, m’avez-vous dit ? A la bonne heure, si vous sortez en effet ; & vous jugez que je le saurai. Mais enfin, vous rentrerez le soir ; & pour notre difficile réconciliation, nous n’aurons pas trop de temps jusqu’au lendemain. Faites-moi donc savoir si ce sera chez vous, ou là-bas, que se feront nos expiations nombreuses & réciproques. Surtout plus de Danceny. Votre mauvaise tête s’était remplie de son idée, & je peux n’être pas jaloux de ce délire de votre imagination : mais songez que de ce moment, ce qui n’était qu’une fantaisie deviendrait une préférence marquée. Je ne me crois pas fait pour cette humiliation, & je ne m’attends pas à la recevoir de vous.

J’espère même que ce sacrifice ne vous en paraîtra pas un. Mais quand il vous coûterait quelque chose, il me semble que je vous ai donné un assez bel exemple ; qu’une femme également sensible & belle, qui n’existait que pour moi, qui dans ce moment même meurt peut-être d’amour & de regret, peut bien valoir un jeune écolier, qui, si vous voulez, ne manque ni de figure ni d’esprit, mais qui n’a encore ni usage ni consistance.

Adieu, Marquise ; je ne vous dis rien de mes