Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/159

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les défauts de ses concurrens, comme à relever leurs beautés ; cherchant de bonne foi des conseils sur ses propres ouvrages, et sur les ouvrages des autres ; donnant lui-même des avis sincères, sans craindre d’en donner de trop utiles ; ne trouvant pas même à combattre en lui cette basse jalousie tant reprochée aux auteurs : voilà le modèle que j’ai à suivre. Croiroit-on que je peins un poète, si vous n’aviez encore parmi vous de pareils exemples !

Je vous en atteste, Messieurs, vous qui le connoissiez tout entier, et qui avez joui si long-temps de son assiduité ; le plaisir de vous entendre l’attiroit ici autant que son devoir ; vous l’avez vu fidèle à vos exercices, jusques dans une extrême vieillesse, tout infirme qu’il étoit et déjà privé de la lumière.

Ce mot me fait sentir tout-à-coup l’état où je suis réduit moi-même[1]. Ce que l’âge avoit ravi à mon prédécesseur, je l’ai perdu dès ma jeunesse ; cette malheureuse conformité que j’ai avec lui, vous en rappellera souvent le souvenir ; je ne servirai d’ailleurs qu’à vous faire mieux sentir sa perte.

Il faut l’avouer cependant ; cette privation dont je me plains, ne sera plus désormais pour moi un prétexte d’ignorance. Vous m’avez rendu la vue, vous

  1. M. de Lamotte étoit aveugle.