Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/174

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vous n’avez pas voulu faire attention que cette espèce de réputation, nous la devons moins à l’éloquence de nos discours qu’à la piété de ceux qui nous écoutent.

L’utilité de votre établissement nous répond de sa durée ; ce tribunal, élevé pour perpétuer parmi nous le goût et la politesse, est un secours qui avoit manqué aux siècles les plus polis de Rome et d’Athènes, aussi ne se sauvèrent-ils pas long-temps de la barbarie ; mais le cardinal de Richelieu, à qui il étoit donné de penser au-dessus des autres hommes, le ménagea au sien. Il comprit que l’inconstance de la nation avoit besoin d’un frein, et que le goût n’auroit pas chez nous une destinée plus invariable que les usages, s’il n’établissoit des juges pour le fixer.

Repassez sur les règnes qui précédèrent la naissance de l’Académie : la naïveté du langage suppléoit, à la vérité, dans un petit nombre d’auteurs, à la pureté du style, au choix et à l’arrangement des matières ; et toutes les beautés, dont notre langue s’est depuis enrichie, n’ont pu encore effacer les graces de leur ancienne simplicité.

Mais en général, quel faux goût d’éloquence ! Les astres en fournissoient toujours les traits les plus hardis et les plus lumineux, et l’orateur croyoit ramper, si du premier pas il ne se perdoit dans les nues. Une érudition entassée sans choix, décidoit de la beauté et du mérite des