Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/267

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juges, il ne put tenir plus long-temps son génie captif. On le contraint à faire l’essai de ses forces, et dès ce moment il est poète. Le tour noble et naïf, les fictions riantes caractérisent ses poésies, et comme sa muse ne faisoit alors que de naître, nous l’avons vu encore jeune et en vigueur, lorsqu’il étoit près d’accomplir son vingtième lustre. Désiré à la cour d’une Princesse3 dont les lumières égalent l’auguste naissance, il est initié dans ces fêtes où elle sait faire régner à l’envi l’esprit et le goût ; le voilà instruit de tout ce qui doit composer ces ingénieux divertissements, il en partage l’ordonnance et l’exécution : ce palais des sciences et des beaux arts devient sa demeure ordinaire ; il l’a habité jusqu’au tombeau. Enfin, toujours courtisan et toujours libre, parce qu’il ne fit jamais sa cour qu’au mérite, il entre dans les délassemens de ce sage Ministre4 dont la mort vient de faire couler les larmes du maître et des sujets, et l’on voit aussitôt paroître de part et d’autre des lettres que Voiture n’auroit pas désavouées. Tous deux chéris des graces immortelles, l’un avoit le loisir et l’indépendance sur son rival, l’autre avoit l’avantage de conserver à son esprit toute sa liberté et toute sa fleur au milieu des plus nombreuses et des plus importantes occupations.