Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/523

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trop hardies ; mais l’imagination et le sentiment savent se produire sans cet appareil extérieur. Nous avons des modèles d’éloquence de tous les genres ; ce n’est pas, il est vrai, de cette éloquence artificielle et mécanique, qui, chez les Grecs et les Romains, résultoit de l’emploi de mot, dont tous les élémens étoient soumis à des tons et à des mouvemens déterminés et invariables. Notre langue, presque dénuée de quantité, d’accens et d’inversions, est privée de ces ressources ; mais nos compositions n’en portent que davantage l’empreinte de l’ame et du génie de l’écrivain.

Un langage exact dans ses définitions et ces mots, et simple dans ses tours, est l’instrument le plus propre à affermir la marche de la raison. La philosophie a été perfectionnée par le caractère même de notre langue ; et notre langue, à son tour, a dû de nouvelles richesses à la philosophie.

Les progrès réciproques des lumières et de la sociabilité ayant rendu le goût des lettres plus universel et plus populaire, on s’est attaché à écrire pour tous les ordres de lecteurs ; on a ambitionné le suffrage de tous ses juges ; et lors même qu’on s’est proposé d’instruire, on a cherché à intéresser et à plaire.

La poésie peut-être n’a pas été si heureuse. Un goût plus sévère a ralenti les élans de l’imagination, et amorti l’enthousiasme du poète. Les esprits, attirés par des objets plus sérieux, sont devenus moins sensibles au plus aimable des