Page:Choix de discours de réception à l'Académie françoise, tome I, 1808.djvu/71

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tous deux ont été si touchés, ou plutôt si transportés de l’amour de cette gloire, qu’on peut dire que tout ce qu’ils ont fait de grand et de merveilleux, ils ne l’ont fait que pour elle.

Qui ne sait que la passion qu’Alexandre avoit que son histoire fût bien écrite, étoit une passion si forte et si violente, qu’il en pleura publiquement sur le tombeau d’Achille, en s’écriant : " O Achille, que vous êtes heureux d’avoir été loué par Homère ! ". Et une autre fois étant sur les bords de l’Hydaspe, dans la nuit et dans l’orage ; il s’écria encore : " O peuple d’Athènes ! à quels périls je m’expose pour mériter que tu me loues ! ". Tant il est vrai que ce qu’il désiroit davantage dans la conquête du monde, c’étoit cette gloire qui est l’ouvrage de la parole.

Mais en cela César n’a pas moins fait qu’Alexandre, et il avoit tant de passion que la postérité lût son histoire, qu’il a voulu lui-même être le héros et l’historien. Il nous a laissé dans une admirable pureté de style cette excellente histoire de ses guerres, qui est aujourd’hui le seul reste de toute sa grandeur. Il écrivoit régulièrement chaque nuit les exploits de chaque jour, comme s’il ’eût entrepris de les faire que pour avoir la gloire de les écrire. Et aussi quand il se jeta dans la mer pour éviter une conjuration qui étoit sur le point