Page:Chopin - De l’Elbe aux Balkans. 1929.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
27
DE L’ELBE AUX CARPATHES

de blanc, de brun ou de rose et les larges porches de leurs fermes.

Une bourgade plantée dans un décor d’arbres nous arrête. C’est Veltrusy, dont nous visitons le parc et le château. Les allées du parc, avec leurs hauts marronnièrs dévastés par l’automne, avec leurs ponts rustiques qui coupent des ruisseaux tapissés de lentilles d’eau, ont fort grand air. Quant au château lui-même, pavillon du xviiie siècle dans un style qui rappelle lourdement celui du Val-de-Grâce, il ne manquerait pas d’allure s’il était un peu moins écrasé et si son actuel propriétaire n’avait eu le mauvais goût d’en faire barbouiller la façade d’un terrible badigeon rose. M. Jelinek nous apprend que cette demeure a été celle de la famille des comtes Chotek, dans laquelle l’archiduc François-Ferdinand est allé chercher son épouse morganatique. J’ajoute qu’en 1784 le parc a abrité la première exposition publique organisée en Europe.

Les chariots des fermes domaniales ont laissé le long des allées des traces de leur passage : de grosses racines, betteraves sans doute, parsèment le sol.

— Avez-vous jamais goûté la betterave à sucre ? demande Mme Jelinek. C’est délicieusement sucré.

Je m’empresse de ramasser une des racines et, l’ayant pelée, j’en offre une tranche à notre compagne.

Elle ne l’a pas plus tôt goûtée qu’elle la crache avec dégoût.

— Fi ! que c’est amer !

Je goûte à mon tour. C’est vrai. J’ai pris une racine de chicorée pour une betterave. Nous sommes en effet dans une région où la fabrication des succédanés du café tient une place presque aussi grande que celle du sucre. Le nom des fabri-