Page:Chopin et Sand - Lettres, éd. Sydow, Colfs-Chainaye et Chainaye.djvu/72

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Enfin, notre voyage ici est, sous beaucoup de rapports, un fiasco épouvantable.[1]

Mais nous y sommes… Nous ne pourrions en sortir sans nous exposer à la mauvaise saison et sans faire coup sur coup de nouvelles dépenses. Et puis j’ai mis beaucoup de courage et de persévérance à me caser ici. Si la providence ne me maltraite pas trop, il est à croire que le plus difficile est fait et que nous allons recueillir le fruit de nos peines. Le printemps sera délicieux, Maurice recouvrera une belle santé ; il se flatte d’avoir un jour des mollets ; moi je travaillerai et j’instruirai mes enfants, dont heureusement les leçons, jusqu’ici, n’ont pas trop souffert. Ils sont très studieux avec moi. Solange est presque toujours charmante depuis qu’elle a eu le mal de mer ; Maurice prétend qu’elle a rendu tout son venin.

Nous sommes si différents de la plupart des gens et des choses qui nous entourent que nous nous faisons l’effet d’une pauvre colonie émigrée qui dispute son existence à une race malveillante ou stupide. Nos liens de famille en sont plus étroitement serrés, et nous nous pressons les uns contre les autres avec plus d’affection et de bonheur intime. De quoi peut on se plaindre quand le cœur vit ?[2] Nous en sentons plus vivement aussi les bonnes et chères amitiés absentes.

  1. Cette phrase, séparée de son contexte, a fait dire que des dissensions avaient éclaté à Majorque entre les deux amants. La lecture de l’ensemble de la lettre prouve que George fait ici uniquement allusion à des difficultés d’ordre matériel.
  2. Et cela vient corroborer notre réflexion de la note précédente.