Page:Chopin et Sand - Lettres, éd. Sydow, Colfs-Chainaye et Chainaye.djvu/74

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mois. Comme c’est fête à présent, le courrier partira seulement la semaine prochaine, alors je t’écris sans me presser et la traite que je t’envoie mettra sans doute un mois russe pour te parvenir. C’est une belle chose que la nature, mais il faudrait ne pas avoir affaire aux hommes. Ni aux routes ; ni aux postes. Chaque fois que je me suis rendu de Palma à Valdemosa,[1] ce fut toujours avec le même cocher et jamais par la même voie. Ici, les ruisseaux creusent les chemins, les avalanches les détruisent. Aujourd’hui, on ne peut plus passer parce que le sol vient d’être labouré ; demain, seules les mules pourront y accéder. Et quelles voitures il y a ici !!!

Aussi, mon Julien, n’y trouve-t-on aucun anglais, pas même un consul. Peu m’importe ce que l’on dit de moi.[2] Léo, quel juif ! Il m’est impossible de t’envoyer les Préludes ; ils ne sont pas finis. Ma santé est meilleure, je vais me dépêcher. Quant au juif, il recevra de moi une courte lettre ouverte qu’il avalera jusqu’au talon [en marge :] ou bien jusqu’où tu voudras. Le coquin ! et dire que je suis allé chez lui la veille de mon départ pour lui dire de ne rien envoyer chez moi.[3] Schlesing[er] est encore plus chien d’avoir fait un album de mes valses et de l’avoir vendu à Probst alors

  1. Voilà la preuve de ce que Chopin n’est pas resté « cloîtré » dans la Chartreuse durant tout son séjour à Valldemosa, comme on l’a dit et redit !
  2. Julien avait donc rapporté à Frédéric des cancans faits à Paris. Comment ne pas regretter amèrement la disparition des lettres de Fontana à Chopin ! Elles furent sans aucun doute brûlées par leur destinataire et probablement à Majorque même.
  3. On devine que Léo avait fait opérer un recouvrement chez Chopin.