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premier cas

J’avais d’abord pris mon pauvre patient comme ceci, gentiment, délicatement, en dilettante, les bouts des doigts seuls employés à la manœuvre. Au fond je voulais un peu l’éblouir, ce garçon, qui me tendait béatement sa tête crépue, la tenait fixée, immobile, inclinée suivant n’importe quel angle : 45°, 22°, 13°, avec l’air de dire : Mon Dieu ! que j’ai hâte… j’ vas-t’y être bien après.

Ouitche ! après… J’applique donc ma pince, une pince neuve à reflet d’argent, avec de gentilles petites pointes en relief pour empêcher le glissement des doigts, vous savez ?… Je me raidis, tous les muscles en contraction spasmodique, et je secoue, et je tire, et je brasse… et je r’ secoue, et je r’ tire, et je r’ brasse… Les yeux congestionnés, la figure bouffie, je soufflais, j’ haletais… et cette dent qui ne se cassait même pas, la gueuse ! À la fin je tombai épuisé, éreinté, sur un siège.

Mais lui, mon patient, avec un sourire drôle et un accent de conviction profonde :

À quien ben… ça a l’air.

— J’ pense… qu’ a quien… ben… repris-je bégayant, scandant des mots rauques à travers ma respiration montée à 70 à la minute.