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cloître, étoit fait d’une autre maniere que les autres. Ce ſont des préventions de notre eſprit, qui ſe laiſſe tyranniſer par l’uſage & par la coutume. Mais ne nous éloignons pas du ſujet. Cléante ſe voyant donc ainſi rebuté, ne voulut plus penſer au mariage, il vint en cette ville, & logea comme tu ſais quelque temps chez ton pere qui lui eſt allié. Ce fut-là l’occaſion de notre connoiſſance, puiſque comme j’allois fort ſouvent chez vous, il ne ſe paſſoit guere de jours que je ne le viſſe ; il me plut d’abord, mais ſon entretien m’engagea plus que tout le reſte. Un jour entr’autres, il me parut plus aimable qu’à l’ordinaire, & ſa converſation me charma : Ah ! Madame, me diſoit-il, d’un air fort engageant, qu’Oronte eſt heureux, d’avoir pour femme une perſonne ſi aimable que vous ! ſi j’oſois ſeulement eſpérer de vous avoir pour amie, je préférerois ma condition à celle des Dieux. Sempronie n’eut pas plutôt remarqué qu’il m’aimoit, & qu’il ne m’étoit pas indifférent, qu’elle travailla à nous lier enſemble l’un & l’autre. Ah ! Tullie, me dit-elle ; tu ne connois pas Cléante : ſi tu peux une fois être maîtreſſe de ſon cœur, il n’y a rien au monde qui puiſſe l’ôter ; ſa conſtance m’eſt connue auſſi-bien que ſa généroſité : haïſ-