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L’ŒIL DU PHARE

Ce fut l’une de ces nuits lugubres qui offrent toujours aux âmes inquiètes des familles de marins le décor terrifiant du naufrage. De temps à autre, à travers la nuit noire et les tourbillons rageurs de l’ouragan, le phare lançait son jet de lumière, comme l’adieu d’un œil mourant, sur la fenêtre du pignon rouge. Et jusqu’aux premières heures du matin la lampe du foyer, accrochée au chambranle du châssis sans rideaux, resta, elle aussi, vacillante et vaillante, pour dire au veilleur de l’île qu’on ne l’oubliait pas dans sa détresse, que par la pensée et par la prière on lui restait secourable.

La tourmente se prolongea durant toute la journée du lendemain, sans qu’il fût permis d’apercevoir du rivage le profil des îles, sans qu’aucune embarcation pût risquer d’affronter les flots courroucés. Mais sur le soir, lorsque la tempête s’apaisa et le ciel s’éclaircit, on remarqua, hélas ! que le phare ne s’allumait pas. Impossible, à cette heure de la marée basse, de rallier l’île en canot et de s’enquérir de Gilles Pèlerin.