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L’ŒIL DU PHARE

ta vie récente, depuis nos vacances de Noël, l’an dernier. Je la connais ou je puis la supposer. Bien plus, comme je crois avoir été pour toi, involontairement, je t’en assure, la cause de certain cruel mécompte, tu me permettras, à moi ton parent le plus rapproché, de m’intéresser à ton avenir. Et d’abord, encore une fois, sans reproche irritant, dis-moi pourquoi, seul et libre, ne m’as-tu pas recherché, au lieu de te jeter dans l’aventure ? J’ai vécu de mon côté des événements rapides et fort graves : décès subit de mon père, biens de succession à régler, exploitation considérable à maintenir et assurer, examens professionnels à subir, et mon mariage, enfin. Si tout cela a pu me faire oublier d’aller à toi, pourquoi n’es-tu pas venu à moi ? Est-ce ton vieux précepteur qui t’en a empêché ? Comment as-tu voulu lui aussi l’abandonner ?…

— Loin de rechercher personne, je n’ai songé qu’à fuir ; fuir ce village où j’allais languir dans la pauvreté, fuir le cher vieux curé qui n’y pouvait plus rien ; me fuir moi-même dans mon personnage humilié. »