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L’ŒIL DU PHARE

toujours prenant au milieu des relents de l’exil.

Il y a plus encore ! Comme un bacille dans sa culture, ce ferment se développe, se propage et se multiplie dans les esprits, prend mille formes sous la pression des regrets ou des désirs, et une fois à point, il devient morbide, c’est le mal nostalgique.

Émile Dupin en est étrangement affecté. Sa vie oisive l’a prédisposé à cette mélancolie. Il se reproche de n’avoir été qu’un météore, qui n’aura fait que passer dans la nuit, entre un crépuscule et une aurore. Ce patriotisme de raison qu’il sent croître chez lui, il l’a trouvé dans le berceau de ses enfants. Car si le berceau est une espérance et la tombe un souvenir, son patriotisme de raison vient des berceaux, tandis que celui de Jean, qui est d’instinct, lui vient plutôt de la tombe.

Et l’un et l’autre cependant n’accordent plus à la vie américaine qui leur a donné l’aisance sociale qu’un intérêt mesquin, incapable de répondre à leur conception nouvelle de la vie, non plus qu’un intérêt